COURT METRAGES
« Tales from transitional space »
Joe est habitué à la compagnie quotidienne de personnes jugées dangereuses. Il a lui-même passé dix-sept ans sous les barreaux et se consacre maintenant à créer des abris, des espaces de transition occupés principalement par des ex-prisonniers encore « on parole » (en liberté conditionnelle). Il est passé par là, il sait combien il est difficile de se réinsérer. Le stigmate du « taulard » est brutal au Texas : on se retrouve à la rue, sans travail, et les abris prévus sont souvent plus dangereux et violents que les prisons. La drogue et les armes y circulent plus librement, dans des dortoirs toujours communs. Convaincu qu'on ne peut se reconstruire personnellement sans un espace privé, Joe met un point d’honneur à ce que chacun dispose d’une chambre unique, aussi simple et modeste soit-elle.
Outre Joe lui-même, parmi les pensionnaires qui ont accepté de s’entretenir avec moi pour ce documentaire, il y eut David, ex-policier. Il avait une bonne vie, dit-il, deux voitures, une grande maison, une famille, une réputation, mais tout vola en éclats pour une relation illicite avec un mineur de dix-sept ans qui le fit chanter d'abord, puis le dénonça. Il passa quinze ans en prison. Il survit aujourd’hui à sa dépression grâce à la présence de sa chienne et l'aide de Joe. Eddy, lui, continue à plaider non-coupable du meurtre dont on l’accuse. Tous les poèmes qu’il a écrits en prison sont soigneusement recopiés à la main, datés et numérotés sur des feuilles à interlignes bleutés. Dave, en liberté conditionnelle, a passé cinq ans à être transféré de prison en prison, d’un bout à l’autre du Texas, pour cinq kilos de marijuana. Il n’a pas revu sa femme et ses enfants en cinq ans…
Ce sont des récits de passage, recueillis dans l’interstice existentiel d’un espace transitionnel plus accueillant que les autres.
(Court métrage, 2x15’, Houston, 2017)
https://vimeo.com/405162534
« From Here to There »
J’ai filmé, dans ce court-métrage réalisé à Miami, la démarche de la chorégraphe américaine Brigid Baker et de sa compagnie Wholeproject. J’ai voulu tout d’abord m’investir physiquement, en tant que caméraman, dans le mouvement, m’approcher au plus près des danseurs, me laisser emporter par une chorégraphie que j’ai essayé de capter de l’intérieur. De répétition en répétition, attentif moi aussi aux indications de Brigid Baker, j’ai vu une trame se former, un phrasé, une histoire que j’ai commencé à monter, où il est question du temps que prennent les choses, de la formation collective d’une chorégraphie, de sa transmission et de sa forme toujours ouverte.
Ce film a été projeté en première lors du dernier festival Screendance (Miami, 2020).
(Court métrage, 20’, Miami, 2020)
https://vimeo.com/384351016
« I am your neighbor »
Cette série documentaire, fruit d’une collaboration avec @buenezas (Miami) et financée en partie par Wavemaker et Oolite, est née du désir de mettre en valeur la notion de voisinage dans un contexte de « gentrification » qui la menace, le développement urbain à l’américaine niant souvent les réalités humaines et historiques qui façonnent un lieu, en faveur d’un design qui privilégie le profit plus que le lien humain. S’intéressant à l’un des quartiers de Miami les plus menacés par la spéculation urbaine, Little Haiti, chaque épisode de cette série consiste en un portrait filmé d’un voisin et de la manière dont il contribue au quotidien de ce voisinage conçu comme bien commun.
(Court métrage, série, Miami, 2017-20)
https://vimeo.com/showcase/7132962
SERIES PHOTO
Durant une période de trois ans, de 2012 à 2015, je me suis livré à l'exploration méticuleuse d'un lieu : Navarro, petite ville agricole de la province de Buenos Aires, dont l'économie locale, mis à part la fabrique de papier hygiénique, repose essentiellement sur l'exploitation des immenses plaines agricoles façonnant le paysage alentour. C'est la transformation de cette « pampa » originellement inculte, envahie d’épineux et de marais, qui motiva les premières vagues d'immigration venues d'Italie, d'Espagne, du Pays Basque, de France,…
J'y ai réalisé plusieurs séries photographiques : « Barrio Arco Iris », « Officios », « Hogar », « Circo », « Vecinas », « Papelera », qui, mises ensemble, forment une tentative (impossible) d'épuisement d'un lieu. Joseph Koudelka disait ne jamais rester dans un pays plus de trois mois parce que, sinon, il devenait aveugle. J’en ai pris le contre-pied, restant sur place plus de trois ans, à un endroit apparemment sans histoires, convaincu au contraire que certaines histoires ne se révèlent qu’à la longue. Ce sont celles, les plus ordinaires, qui m'intéressent. Elles n’affleurent que si l’on accepte avec patience la dimension temporelle d’un processus, dont la photo n’est que le terme momentané.
« Barrio Arco Iris »
Le Barrio Arco Iris est un quartier social de Navarro. Les unités y ont été construites en série et sont occupées par une population constituée principalement d’ouvriers agricoles, camionneurs, femmes de ménage, chômeurs,… Sur une période d’un an, le temps que les habitants du quartier se familiarisent avec ma présence et ma caméra, j’ai photographié sous forme sérielle les façades de ces unités, variations sur le même thème. Je me suis obligé non seulement à « rester en place », mais aussi à en rester à la surface.
(Photographie / Video, Argentine, 2013-14)



























« El Hogar »
« El Hogar » (le Foyer) : c’est ainsi que les habitants de Navarro désignent l’hospice accueillant les personnes âgées ou invalides de la localité. Je leur ai rendu visite régulièrement, attentif à la lumière de leur intérieur, touché par leur intimité, à l’écoute du récit fragmenté de leur vie. (Photographie, Argentine, 2013-14)
« Circo »
Sur l’esplanade vide au croisement de la rue Manuel Garcia et de l’avenue 9 de Julio, non loin de la station-service, c’est là qu’ils plantent généralement leurs tentes et garent leurs caravanes, une fois par an, levant le camp au bout d’une semaine. Cette fois c’était le Cirque Bauken, qui dut rester plus longtemps cette année en raison des pluies torrentielles et du débordement du Rio Salado, qui bloqua pendant plus d’un mois toutes les routes d’accès. Cette immobilité forcée me donna le temps de les connaître et de les photographier, dans l’intimité de leurs caravanes et l’inertie de cette attente. (Photographie / Video, Argentine, 2013-14)
« Villa 31 »
Il s’agit du quartier pauvre le plus peuplé de Buenos Aires. On les appelle « villas » en Argentine, « favelas » au Brésil, « barrios » au Venezuela, et leur emprise urbaine ne cesse de croître. La Villa 31 compte plus de 40 000 habitants, chiffres officiels probablement bien en-deçà de la réalité. La population est en majorité composée d’immigrants venus des pays limitrophes, boliviens, péruviens, paraguayens, mais aussi de gens venus du Chaco ou d’autres provinces pauvres de l’intérieur de l’Argentine. Ils sont en général objets de rejet et de préjugés ethniques. La Villa 31 s’est développée aux portes des quartiers les plus riches de Buenos Aires, qu’elle fournit en main d’œuvre de service généralement illégale et sous-payée. (Photographie, Argentine, 2014)







